Comme je le disais dans ma première partie, un métier doit s’apprendre dans le temps, dans les rencontres. Qu’il soit parfois héréditaire, de génération en génération, dans nos métiers, la base héréditaire ne suffit pas, ne suffira jamais. Nous sommes, pour reprendre l’expression d’un confrère sur du “vivant”. Le chien est un être vivant et il sera difficile de le sculpter comme un morceau de bois, qui peut être posé là et repris plus tard. Si je décidais de former mes enfants à l’éducation, je les pousserais à sortir du giron de leur père et partir “faire un tour de France”. Que je leur inculque les bases, des réflexes, oui, mais jamais, ô grand jamais, je ne leur souhaite d’être à l’identique, une copie de moi-même. Pas parce que ma femme dit qu’un seul est bien suffisant et qu’elle fait acte de charité en me supportant, mais parce qu’ils devront devenir eux-mêmes, avec leurs propres ressentis, leurs techniques personnelles, leurs propres personnalités. La formation n’a pas l’objectif de modeler des copies, des répliques dégrossies du formateur. Non, une formation doit titiller l’élève à chercher au fond de lui l’envie d’aller plus loin, d’être meilleur ou juste soi et d’aller au delà de lui-même tout en restant humble. Quand dans la première partie, je parle des jeunes et que je suis dur avec eux, avec ce qu’ils deviennent, vous croyez que j’y prends plaisir, que je me venge de leur comportement, des vacheries qu’ils m’ont balancé après mon intervention. Franchement, j’en ai rien à foutre. J’ai déjà il y a trois ans, après 8 années de bons et loyaux services décidé de quitter la formation à la maison familiale (MF). Celui qui m’a remplacé, n’a pas fait mieux que moi! Au moins, force est de constater, que mon passage à la MF, leur a permis de s’opposer, de débattre, de progresser. Même si leur réaction est due à un manque d’humilité, à la blessure de ne pas être ce que leurs parents disent d’eux, “qu’ils sont les meilleurs”, il y a eu réaction et elle entraînera forcément un questionnement. C’est un début et c’est le rôle du formateur de pousser les gens à se remettre en question, à avoir l’esprit critique. Apprendre ou recevoir de la connaissance est la chose qui devrait être la plus respectée. Il y a une posture de respect à adopter, une attitude à arborer, un regard qui pétille, une envie d’apprendre que le formateur doit ressentir. C’est difficile de le ressentir dans une classe où certains sont blasés, d’autres ne s’intéressent pas à ce cours et affichent leur têtes des mauvais jours. Sont-ils là pour apprendre ou occupez un espace en attendant des jours meilleurs, qui hélas, sont maintenant derrière-nous. Le monde ne leur fera pas de cadeau et je ne crois pas que nous les préparons à y faire face! J’ai reçu, parfois, chez moi, des adultes qui partaient en reconversion. Ca n’a rien à voir. Des gens qui prennent des risques pour se lancer, qui ont tout lâché pour partir vivre leur rêve. Certains m’ont impressionné, m’ont ému même et tous avaient des étincelles dans les yeux. La motivation irradiait de l’ensemble du corps. J’ai reçu des témoignages de gens ayant participé à des formations, qu’ils qualifient “d’arnaque”. Aucune formation n’est une arnaque. Car si en la suivant, vous vous rendez compte qu’elle en est une, c’est que vous êtes déjà passé au stade supérieur. Au moins, vous savez où vous en êtes, même si ça vous a coûté cher. Il n’y a pas à avoir de rancœur, bien au contraire. Si pour certains la base, c’est ça, peut être pourriez-vous juste vous dire: “Je me lance, parce que si c’est ça, je l’ai”. La plupart des formations sont basées sur la technique avec le chien, voire sur des techniques de compétition. Alors que l’essentiel de notre boulot est basé sur le maître et la correction de ses mauvais comportements. Attention, je ne dis pas qu’il ne faut pas de techniques. Il en faut forcément. Mais pas un contenu de compétition. On peut transposer ça à la vraie vie. Vous croyez que parce que vous avez ou que vous pouvez vous payer une grosse bagnole, avec toutes les options, que vous serez plus heureux que celui qui n’a pas les moyens de se la payer. A partir du moment où la voiture vous amène du point A au point B, peut être avec un peu plus de confort pour certains, n’avons-nous pas l’essentiel. Après, nous ne sommes plus dans l’utilisation, nous sommes dans l’orgueil ou la passion peu importe. Je vous rappelle qu’à l’avenir, si vous voulez être heureux, il faudra faire preuve de modération, de sobriété heureuse, comme dirait Pierre Rabbit! Ce n’est pas parce que vous connaissez par cœur, les travaux de Skinner, leur application et que vous saurez dire son nom dans l’un de vos cours que vous serez bon ou meilleur. Avec vos “clients”, je n’aime pas ce mot, je ne l’ai jamais aimé, vous traduirez par : “Un chien marche par association d’idée, quand il fait bien je l’encourage”. Et par déduction, pour aller plus loin, “quand il fait mal, je le sanctionne ou l’ignore, suivant la méthode”. Peu importe que c’est Skinner qui a l’a développé ou conceptualisé. Avant lui, beaucoup l’avait découvert et notamment ceux qui ont domestiqué l’animal! Le canidé sauvage, c’est rapproché de l’homme, parce qu’il recevait des reliefs de repas (Renforcement positif). C’est bien l’environnement et le plaisir de recevoir qui provoquera ou cristallisera la domestication. Peut-être que je traduits mal les travaux de cet homme. Certains compétiteurs pourraient vraiment l’expliquer mieux que moi, l’on certainement mieux traduit que moi ou l’utilise magistralement. Ces gens-là sont dans le détail, le détail qui change tout. Assurément, ils maîtrisent parfaitement les arcanes du conditionnement. Mais dans notre métier, Skinner se traduit par association d’idée et renforcement par une gratification, pardon récompense. Pourquoi faire compliqué? Les gens ne vous demandent pas un cours du “pourquoi on le dit”, mais du “comment on l’applique”. Alors oui, je pense que certaines formations sont trop élitistes, trop axées sur la compétition. Que former des éducateurs canins avec des outils de compétiteurs par des compétiteurs est une erreur, peut être même un non sens. Pas parce qu’ils n’ont pas de compétences, mais parce que leur méthode, leur outil, leur vision, leur pédagogie ne sont pas ce que nous utiliserons sur le terrain, dans la vraie vie. Si vous voulez faire de la compétition, il faut suivre les conseils d’un compétiteur, certainement pas d’un ignare de mon espèce en la matière, ce n’est pas, ça n’a jamais été, mon métier ou ma passion. La compétition, c’est l’apanage des clubs canins, affiliés SCC. Si vous voulez être éducateur canin, il faut suivre une formation dispensée par un éducateur canin. La seule chez qui j’ai envie d’envoyer du monde aujourd’hui, c’est celle de Nico, Nicolas Greveldinger. C’est un homme de terrain, un vrai éducateur, un passionné et un modéré, un bosseur, qui lui-même reconnaît qu’elle n’est pas complète, mais que je reconnais volontiers comme une base solide. Mais ça ne suffira pas. De temps en temps, il faut aller se former ailleurs, allez rencontrer d’autres intervenants, d’autres formateurs et suivant son degré d’approfondissement, pourquoi pas des compétiteurs. De ceux-là, ceux qui acceptent que l’on puisse avoir une autre vision du chien, un autre degré d’exigence. La première des qualités d’un bon professionnel, c’est aimé la maîtresse, le maître qui tient la laisse. C’est aimé l’homme, l’humanité. Combien ai-je entendu de professionnels critiqués “l’humain” comme ils disent ou les maîtres? Combien ai-je entendu de professionnels vilipendés sur leur “groupe privé, de professionnels” les maîtres lambdas ou moi en ce moment (J’ai eu une promotion!!). Pour faire ce métier, vous n’aurez pas le choix d’aimer “l’humain”.

Sinon, restez dresseur et ne vous dites pas éducateur canin!

Comment peut-on faire ce métier, sans aimer l’homme ou la femme qui tient la laisse? En éducation canine, vous n’êtes pas dans un camp ou dans l’autre, vous êtes dans votre camp et vous ferez ce que vous pourrez. Et vous irez chercher à droite et à gauche, ce qui vous manque. On ne doit jamais s’enterrer dans une idéologie, mais chercher à construire sa propre pédagogie, comme David, qui se reconnaîtra et que j’apprécie vraiment. Pour finir, je dirais que la formation doit être avant tout un besoin de transmettre, d’améliorer les choses, le contenu. Mais avant tout, elle doit pousser celui qui la reçoit à foncer, sans croire ou dire que la formation qu’il a reçue est la meilleure. L’humilité est la voie à choisir. Vous vous tromperez, qui ne s’est pas trompé, dans tous les métiers d’ailleurs. Seule votre humilité vous donnera envie de continuer et de vous améliorer. Il faut aussi pour se former ou se lancer dans une formation, avoir quelques bases. En ce qui nous concerne apprendre à tenir une laisse. Si je prends l’exemple d’un ami qui s’est dernièrement lancé. Il a suivi la formation Nico. Mais avant de la suivre, il a passé 4, 5 ans chez moi, au club. Avant même d’aller chez Nico, il savait déjà l’essentiel. Il s’était, sur sa demande, essayé au cours collectif. Il avait une base que Nicolas a finit de structurer. Lui est déjà passé dans deux mains. J’ai rencontré dernièrement une cliente à lui, qui ma foi est contente. Il y a un cheminement et il me parait illusoire de suivre une formation d’un mois, sans avoir un peu d’expérience. En commençant à zéro, c’est impossible. Une formation d’un mois, n’a de vocation que celle de donner, de développer la motivation, le courage de celui qui va se lancer en “grappillant” quelques éléments qui lui manquent encore. Maintenant, si vous voulez suivre une formation où il y a plus de 10 personnes et c’est déjà beaucoup, autours d’une seule, ça me parait compliqué. La motivation et certains, certaines ne s’en cachent pas : C’est l’argent et l’idée d’en gagner beaucoup en un temps le plus court possible. On ne peut pas avec nos métiers, qui nécessitent techniques et surtout pédagogie, être dans l’intensif. Les gens payent et parfois cher, en se privant, en se sacrifiant pour être formé. La moindre des choses, c’est de bien s’en occuper. De plus, l’éducateur canin formateur doit s’échiner à donner le meilleur de lui-même pour que le “stagiaire” puisse à son tours donner le meilleur de lui.

Car, c’est de notre métier que nous parlons.

Si nous ne nous appliquons pas à former correctement, c’est l’image de notre métier que nous écornons. Si d’un côté nous formons et que de l’autre nous négligeons notre contenu, que nous nous foutons du “comment il a été assimilé, compris, restitué”, je ne vois pas l’intérêt de le faire, (sinon l’argent que ça procure sur le moment) compte tenu, qu’à force de former des gens à la médiocrité, notre profession dégringolera. Quand les gens se détournerons de nous, nous n’aurons plus de métier!!! Il faut former à la simplicité efficace. Car le chien (En pré-éducation, éducation) ce n’est pas compliqué. Ceux, qui vous disent le contraire, eux le sont. C’est presque de l’anthropomorphisme! Après, quand vous serez plus sûr de vous, mieux préparé, vous pourrez vous lancer dans un suivi plus compliqué de rééducation, qui fait parti de notre boulot hélas! Il y a des centres qui sont spécialisés, qui ont pignon sur rue, qui sont réputés et même si, je ne crois pas, qu’ils aient toujours raisons et c’est le moins que l’on puisse dire, ils restent une référence. Tout le monde à quelque chose à apporter… et personne ne devrait jamais penser qu’elle, qu’il est “la seule”, “le seul” que l’on doit suivre.
Bonne journéeEtienne Girardet

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