L’homme moderne est-il incompétent ? Il y a 15000 ans, peut-être plus, moins, peu importe, là n’est pas la question, l’homme, ou disons « homo sapiens » a apprivoisé le loup sauvage. D’après de grandes théories, le loup sauvage aurait subi une sorte de « mutation génétique » pour passer d’un statut de prédateur à charognard. Pourquoi pas. Cette évolution aurait permis à sapiens de pouvoir l’apprivoiser. Je fais court. Avant même de parler de domestication et de manipulations génétiques, contrôlées par l’homme, et donc de l’avènement de « canis familiaris » il y a bien eu le premier contact entre un homme et « canis lupus lupus ». J’imagine souvent, le premier ou la première à avoir tendu ce premier morceau de viande, où l’animal méfiant est venu l’arracher à cette main bienveillante. Cette séquence est immortalisée dans le film de Kévin Costner, « Dance avec les loups ». Piaget, dans son livre, féminise cette action, en pensant qu’il s’agirait d’une femme. Il raconte une histoire où une louve rejetée par sa meute, s’en serait éloigné pour se rapprocher des hommes et notamment de cette première dresseuse, notre ancêtre. Si cette théorie est juste, nous devons à la femme cette alliance. Merde !! Je pense à tous ces poids lourds canin, bombeurs de torse et adepte de la posture du mâle alpha, ceux que je nomme les « testo-canins ou les ostentato-canins », ils aiment qu’on les aime, accueillir cette hypothèse !! Rassurons-nous, messieurs, ce n’est qu’une hypothèse. Ouf. Pour ma part, je pense que l’hypothèse de Piaget est bonne et « biologiquement » acceptable. La femme étant plus fine à bien des égards, j’imagine volontiers la scène. D’autant que Piaget en rajoute une couche en dépeignant notre ancêtre mâle renfrogné et méfiant vis-à-vis de cette alliance. Bref passons. Je m’interroge. Comment l’homme, en l’occurrence la femme a eu cette capacité, cette sensibilité, ce courage, le loup étant un prédateur, l’idée même, de tendre ce premier morceau de viande à cette bête sauvage ? Mieux encore, comment a- t-elle réussi a transformé l’essai, a transformé ce loup en chien ? Pourquoi pas me direz-vous. Après tout, il y a 15000 ans, homo sapiens était en pleine possession de ses moyens intellectuels. Il avait, il y a 70 000 ans subi ce que les experts appellent la révolution cognitive, qui dès lors le plaça à notre niveau actuel. Oui, mais, qui a conseillé cette femme, lui a expliqué la démarche. Quel livre a-t-elle lu à l’époque ? Quel laboratoire lui a sorti une molécule miracle pour manipuler son esprit et la convaincre, la bête, que l’homme pourrait être moins con, moins méchant, moins dangereux qu’il n’a l’air ? Quand je vois la brochète d’experts aujourd’hui, qu’il faut au maître moyen pour comprendre son chien domestiqué, ce n’est plus un loup, je m’interroge. Alors que notre ancêtre a réalisé un tour de force majeur, en apprivoisant une bête sauvage, le maître moderne, lui, ne s’en sort plus avec son chien domestiqué ! Avouez que c’est troublant. Lucy, nous l’appellerons Lucy, même si Lucy était âgée de plus de 3 millions d’années, a réalisé le plus dur. Sa méthode positive, lui a permis de renforcer cette première approche. Si on admet que la littérature n’existait pas. Je n’avais pas encore sorti « les clichés du chien ». Comment aurait-elle pu réussir cet exploit, sans ce livre ? A moins que les créationnistes aient raison. Dieu a créé le monde il y a 6000 ans et l’évolution n’est que spéculation d’idiots, qui veulent contrarier les projets de Dieu. Et ce dernier aurait, d’emblée crée les chiens pour faciliter la tâche de l’homme. En réfléchissant, cette théorie, cette vérité imaginaire, comme dirait Harari dans « Sapiens », me semble plus probante que l’hypothèse de Piaget, qui donne à la femme, un pouvoir colossal ! Voilà que je subi une « trumpisation » (Mot moderne qui signifie : Nier l’évidence »). Laissons là Dieu (J’ai un peu, désolé, de mécréance dans le sang) et admettons que la femme y soit pour quelque chose ! Comment s’y est-elle prise ? Elle a utilisé deux armes, dont nous sommes tous dotés, plus la femme que l’homme. « La patience et la bienveillance ». Pas besoin d’experts de tout horizon, juste un peu de cœur et un bon esprit, du bon sens. La patience n’est jamais que du temps que nous vouons à quelque chose et la bienveillance est un état d’esprit qui pourrait se traduire par de l’attention. Voilà les ingrédients de sa réussite. Du temps multiplié par de l’attention. Formule mathématique qui plairait à Idriss Abercane. Alors pourquoi l’homme moderne ne s’en sort-il pas ? Je passe l’élevage défaillant, je passe le contenu éducatif inapproprié, je passe le, les discours contradictoires. Je crois que l’essentiel de l’échec vient du fait que les maîtres ne prennent plus le temps, n’ont plus de patience dans ce monde de fous. Et que dire de l’attention ! Il ne peut y avoir de l’attention, là où l’objectif moderne s’est focalisé sur la consommation. Plus nous travaillerons pour consommer, et donc pour nous munir d’un précieux merdier, moins nous aurons de temps à consacrer à nos enfants, à notre chien. Si on admet que le temps construit la relation, il semblerait judicieux de devenir « décroissant ». D’ailleurs la modération, la sobriété prônée par Pierre Rabhi semble être aujourd’hui « la voix » à suivre, si tant est que l’on ait cette envie de sauver l’humanité. Alors, avant de sauver l’humanité, essayez au moins de sauver la relation, (qui au départ, est plus importante que son éducation) qui vous attache à votre chien et qui l’attache à vous, en lui consacrant plus de temps. Pas besoin d’experts, un morceau de votre cœur fera l’affaire. Le maître moderne est-il donc incompétent ? Je crois qu’il ne prend juste pas le temps. A vous de voir. N’oubliez pas que l’on a que ce que l’on mérite et je crois sincèrement qu’un chien affectueux envers son maître n’est pas un hasard, mais un cheminement d’attention. Bonne journée. Etienne Girardet

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