« En toute circonstance » est une formule bien connue dans notre métier. Il faudrait que je relise mon site pour voir si elle y figure. Pour tout vous dire, je l’ignore. Et comme mon site est sur le point de renaître, je ne perdrais pas mon temps à aller voir. Il semblerait qu’il est important pour la profession que les chiens soient éduqués « en toute circonstance ». Une question me taraude : « Est-ce possible ? ». Une seconde me traverse l’esprit : « Est-ce utile ? ». Une troisième se profile dans ma tête : « Combien de temps cela prendra-t-il d’éduquer le chien à cette formule de la « toute circonstance » ? » C’est vrai que la toute circonstance est pour le moins vaste et demande de la part de l’éducateur une sacrée imagination ! Et comment préparer le chien “à la toute circonstance”? Et imaginez que vous bossiez votre chien durant des années, avec un éducateur toutes circontances et qu’un jour vous rencontriez une circonstance que vous n’avez jamais travaillé! Et allons plus loin, vous êtes en train de bosser dans la rue un “pas bouger” à distance. Un vélo électrique, qui n’a pas vu votre chien, déboule sur le trottoir. Le chien l’a vu, mais reste stoïque. Le vélo l’écrase. Heureusement vous aviez un chien toute circonstance. On a pu mettre sur sa pierre tombale: “Médor, obéissait en toute circonstance”. Et s’il se lève, mais y passe quand même. Devrons-nous le sanctionner à titre posthume, pour désobéissance! Je propose que dimanche nous préparions les chiens à la possibilité d’un bateau qui échouerait sur une plage, alors que, tous les deux, main dans la patte, nous nous y promenions. (Pour ceux qui partent en vacances à la mer. Quand à ceux qui ne partent jamais à la mer, je répondrais: Faites pas chier! Comme on dit à l’armée: “entrainement difficile, guerre facile”) Nous allons apprendre au chien à rester au « pas bouger », assis ou couché, c’est selon la préférence du maître et à y rester en dépit que le paquebot (Enfin un flotteur de planche à voile. Oui, je n’ai pas de paquebot) arrive sur lui pour s’échouer. Bien entendu, le chien ne devra pas bouger. – Oui mais alors, en circonstance réelle, s’il ne bouge pas, il se fera écraser. – Certes, mais vous aurez la satisfaction d’avoir « eu » un chien obéissant, con, c’est vrai, mais obéissant!Ecrit comme ça, ça pourrait vouloir dire que l’obéissance rend les chiens cons. Pas d’anthropomorphisme (un mot à la mode aussi) voulez-vous ? Même si l’obéissance rend l’homme con, c’est le moins que l’on puisse dire, il n’y a aucune corrélation entre l’intelligence de l’homme et la « supposée » intelligence du chien. Pas de raccourci !! Cela dit, je ne crois pas que l’obéissance « sans réfléchir » augmente l’intelligence et je remarque que ceux qui disent le contraire sont souvent ceux qui l’impose !!! Passons, passons. C’est un autre débat, qui pourrait bien en étouffer certains au moment où, en me lisant, il avale une olive !!! J’ajouterais que quand j’écris “obéissance”, je parle au sens large, je ne parle pas de la discipline pratiquée sur un terrain d’entraînement. Il est utile de préciser. Je ne voudrais pas heurter. Mais admettez que prendre un mot usuel pour nommer une discipline peut être trompeur! Naturellement, je force le trait. Eduquer le chien dans différentes circonstances est important. Surtout d’ailleurs au sein de son environnement. Maintenant faire de l’expression « en toute circonstance » un argument et par voix de conséquence un contenu éducatif me semble parfois un peu exagéré, pour ne pas dire trompeur. Certains programmes de professionnels, inspirés de discipline, notamment celle du mordant, où le chien doit apprendre le courage, pousse trop loin l’apprentissage. Nous parlons d’un chien de particulier, dont la fonction n’est pas la chasse, la défense ou bien d’autres activités, mais l’affection. Que l’on augmente un peu le courage des chiens, on peut l’admettre, mais de là à vouloir en faire des warriors! Nous ne sommes pas en guerre tout de même. Peut-être une guerre d’égo! Oui, c’est humain, pas pédagogique, mais humain. Heureusement il y a un remède que l’on appelle l’humilité! Prenons un contenu : Au hasard, l’ordre « pas bouger », avec distraction et en absence du maître. Que nous l’apprenions en cours, sur un terrain spécifique pour accroître les connaissances et du chien et du maître pourquoi pas. Que nous le vendions en précisant que l’exercice est utile dans la vie de tous les jours me semble un peu malhonnête ! Parce qu’aucun particulier, chez lui, dans sa rue, ne va laisser son chien seul sur le trottoir, alors que lui s’absente. « Personne ne fait ça, personne ». Il aurait trop peur de se le faire embarquer ou un jour pas comme les autres. Son chien a peut-être une valeur économique, mais il a surtout une valeur affective qui pour lui est inestimable. Dans la rue, la plupart des gens font comme moi, promène leur chien en laisse pour prévenir toute éventualité ! Tiens d’ailleurs, il semblerait que c’est obligatoire !!! On n’est plus dans un contrôle d’obéissance, où le chien doit obéir, mais dans un contrôle de bon sens où le maître peut agir en direct. Bref, au sein d’un milieu trop riche en distractions, diversions, on sécurise. C’est pourquoi, il me semble plus judicieux d’apprendre à son chien la suite en laisse, que des ordres qui ne servent à rien. Et ça ne veut pas dire que ceux qui le font, sont illogiques ou pire. Je veux juste dire que beaucoup apprécieraient un contenu plus adaptable et moins contraignant. Quand j’ai appris le dressage, notamment le chien d’arrêt. J’avais lu beaucoup sur la question et j’avais à l’époque retenu que le « down » était la clé. Je m’étais donc entraîner des heures à l’apprendre à Duchesse. Je me rappelle être allé jusqu’à l’immobiliser au couché en pleine action, sous la pluie. Je suis parti près d’une heure en la laissant là. Je la guettais par la fenêtre de la cuisine tout en déjeunant bien au chaud. La chienne n’a pas bougé. Elle est restée figée près d’une heure sans broncher. J’étais fier ! J’avais un chien obéissant. J’avais 16 ans. Quand j’y repense, je ressens de la honte. Alors qu’en concours, on m’avait complimenté. Dans la nature, dans la vie de tous les jours l’animal cherchera toujours un abri ou à fuir l’élément anxiogène, le maître aussi d’ailleurs. C’est ce que j’ai fait, tout en imposant le contraire à cette chienne, en imposant l’obéissance ! Jamais je ne ferais une chose pareille à Maya. Ce qui me semblait être de la technique, du savoir-faire ou ce pouvoir que l’on ressent à se faire obéir, m’apparait plus aujourd’hui comme une humiliation. Je pense souvent à cette chienne, la première. Nul doute qu’aujourd’hui nous aurions une autre relation. Pourquoi travailler l’absence, alors qu’à la chasse au chien d’arrêt, le maître est près de son chien ? Pourquoi travailler une absence avec un particulier, alors qu’il ne laissera jamais son chien seul ? Et ne me parlez pas de cet adage largement usité : « Qui peut le plus, peut le moins ». A moins que l’on culpabilise le maître ou que l’on tente de lui foutre la trouille par ce genre de phrase : « Ça pourra sauver votre chien » ! Marketing de la peur ou de l’hypocrisie. Sans compter que de laisser son chien sans surveillance est plus risqué que de l’avoir près de soi ! Et j’ajouterais que laisser son chien derrière soi et qu’au bout de quelques secondes celui-ci se lève pour retrouver son maître, est une bonne chose dans la vie de tous les jours. En discipline, le chien perd des points. Alors que dans le réel, il en gagne. Oui, car le chien fait le choix de revenir vers ce qu’il affectionne. Il pourrait très bien se lever et partir. Il indique à son maître tout le plaisir qu’il reçoit d’être auprès de lui. N’est-ce pas là, l’ambition simple des maîtres ? Et ceux qui me rétorqueront : « Il peut aussi se lever parce qu’il a la trouille d’être seul ». Je répondrais : « Je ne vois pas l’intérêt de laisser un chien seul, sans son maître, si celui-ci à peur ou est inquiet. C’est non seulement une souffrance inutile que je ne comprends plus, mais c’est surtout d’une grande imprudence !!! ». A quoi bon enseigner ce qui ne sert à rien ? A quoi bon payer un enseignement que l’on n’appliquera jamais ? La question se pose. Il semblerait que le professionnel moderne y est très attaché. A moins que celui qui l’a formé manquait de contenu pour étoffer sa formation ! Alors on rajoute de l’inutile. Ne désespérons pas, les jeunes éducateurs réaliseront rapidement, s’ils se posent les bonnes questions, que le contenu est la clé. Ils réaliseront, je l’espère, que les besoins des maîtres sont aux antipodes du contenu disciplinaire, qui ne reflètera jamais la réalité. Et jusqu’à preuve du contraire, nous vivons dans le réel, pas sur un terrain où tout est sécurisé. La rue est imprévisible. A l’entraînement, tout est sous contrôle. C’est et ça restera la « grosse » différence. A la lecture de cet article, je me dis que la « toute circonstance » est plus un argument de vente, qu’un à propos éducatif. (Définition d’à propos : Qui convient au lieu, au temps et aux circonstance). Je terminerais en précisant qu’il serait préférable de travailler davantage sur la confiance que la « toute circonstance ». Je comprends que cette phrase peut heurter ou qu’elle peut paraître abstraite, voire énigmatique. Elle le sera moins demain pour ceux qui suivrons le cours sur la confiance !Bon week endEienne Girardet

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