Dans certains milieux, où la testostérone reste un critère à l’obéissance, j’admets volontiers que le titre peut sembler anthropomorphique. Il ne l’est pourtant pas. L’autre jour, alors que nous discutions avec une cliente et que je lui expliquais comment s’y prendre pour développer le lien affectif, elle me dit : « Vous pratiquez la méthode positive » ! Sans la moindre hésitation, je lui ai répondu : « Non ». Je comprends que pour le profane ou le dur à cuire, on pourrait le penser. Je comprends que dans certains milieux, on serait tenté d’avoir ce genre de sentiment. Pourtant au fond de moi, je m’oppose totalement au concept. Je n’ai jamais été pour la corruption du chiot. Qu’en rééducation canine, certains utilisent la méthode positive, pendant que d’autres se complaisent dans des méthodes plutôt classiques, m’indiffère totalement. En rééducation canine, chacun est libre de faire comme il peut, comme il sait, suivant le cas à traiter. A chacun sa religion. Que ce soit l’une ou l’autre ou un mixte des deux, on apprécierait un peu plus d’humilité, de respect et d’intelligence, osons le mot « sagesse », dans l’un comme dans l’autre camp ! Bref, dis autrement, leur guerre à la con m’emmerde prodigieusement. On ferait mieux de se battre tous ensemble contre l’aberration du système, qui admet qu’à deux mois, un particulier sur deux, achète, parfois hors de prix un chiot pathologique, qui posera ultérieurement des problèmes. Il y a de plus en plus d’usines d’élevage. Des chiens élevés en batterie, comme on élève des porcs, qui eux seront destinés à produire du jambon, quand le chiot, lui se retrouvera dans notre salon, avec des gosses autour ! Mais bon, laissons cela, l’absurdité, l’anormalité étant devenue la norme. Revenons à notre méthode affective. Pourquoi penser qu’elle serait positive ? C’est une question intéressante. Mais la véritable question est : Pourquoi ne l’est-elle pas ? Pour répondre brièvement : Elle est basée sur le lien d’affection, sur l’affection que le chien voue à son maître et réciproquement, sur le plaisir qu’il a d’être auprès de lui. Elle n’est pas basée sur un jouet, un artifice, une croquette, une friandise, qui attache le chien au maître, mais sur une « sorte de sentiment » qui ne donne pas envie au chien d’aller au-delà du cercle de ce qu’il affectionne, de son environnement sécure. Elle nourrit le cœur, l’esprit, pas l’estomac. Elle est basée sur l’impalpable, l’immatérialité, sur quelque chose qui ne se voit pas ou qui ne saute pas aux yeux, sur quelque chose qui n’attire pas l’attention, qui parait normal, alors que c’est tellement difficile et tellement plus méritant qu’un chien mécanisé, programmé. « Le lien d’affection est facile quand il est naturel, mais difficile quand on se force » Imaginez un maître qui marche dans la rue, dans une forêt, avec auprès de lui son chien qui le regarde, lui qui regarde son chien. C’est tellement simple et si compliqué à la fois. La « simplexité » pour reprendre Idriss Abercane. J’ai toujours eu un sincère respect pour ces maîtres qui savent se faire aimer de leur chien, sans obéissance, sans discipline, juste un respect réciproque. Le maître devient la clé de la serrure de l’affection. Il en est l’émanation. C’est lui qui la provoque ou l’endort. Peut-elle se réveiller un jour, si l’attention est de retour ? Nous parlons là de rééducation. Je n’en suis pas encore là. Mes modestes expériences sont axées actuellement sur le départ, sur mes portées de chiots. Il serait présomptueux de dire qu’elle s’applique, j’entends : « La méthode affective » au-delà d’un certain âge, au-delà de certaines carences, certaines pathologies. Elle nait dans l’intention, l’attention, les gestes, les émotions, le plaisir réciproque, la patience, donc le temps. Il faut pour recevoir tout cela que le chien soit réceptif, qu’il ait envie de recevoir, qu’il y soit préparé. Il faut que le maître soit l’élément important de sa vie. Le hic, c’est que toutes les méthodes actuelles, qui s’inspirent de l’obéissance, qui suit un cheminement de compétition, sont basées sur le conditionnement pur, l’environnement, la toute circonstance. On s’intéresse plus à l’environnement qu’au maître ! C’est une aberration. C’est un non-sens, qui devient utile pour le compétiteur, mais inutile pour le particulier. Le hic aussi, c’est que le lien affectif se construit tout d’abord chez l’éleveur, le « naisseur », c’est lui qui donnera les moyens cognitifs au chiot de le développer, si le maître continue le travail. Non seulement beaucoup d’éleveurs ne font pas leur boulot, mais pour pallier à leur négligence, ils conseillent le maître et l’induisent en erreur, pire les conduisent à l’erreur, tout ça, porté par une profession, au sens large, qui en accepte l’occurence, comme une fatalité ou pour ceux qui aiment le fric, comme une bénédiction ! En attendant : Qui trinque ? Les maîtres et les chiens. L’élevage, j’y reviendrais, plus profondément. Le hic encore, c’est que le particulier doit connaître les signes, les comportements qu’il devra éviter dans le choix de son chiot. Nous devons en tant que professionnel « produire », puisque le chien est un « outil » de production, dans cette logique économique, des chiots sains de corps, évidement, mais surtout, plus important encore, d’esprit. Aujourd’hui la filière « élevage » est défaillante. Comme dit plus haut, nous y reviendrons. Ça fait longtemps que l’économique a remporté la guerre sur le qualitatif. Ça fait longtemps que le beau l’a emporté sur le bon. Et ça fait longtemps que le profit a gagné la bataille sur la raison ou l’éthique. Ça fait deux fois que je le dis de manière officielle, que je dis que l’élevage est la clé et qu’il faut mieux l’encadrer ou avertir les gens, les particuliers. La première fois, ça a été à une réunion, cette fameuse réunion où tous les espoirs étaient à notre portée. Laissons-là le passé ! Des chiots sains, c’est déjà 50% d’éducation acquise. Je le vois bien sur les chiots que l’on vend. La plupart des gens ne prennent pas de cours et sont heureux avec leur chiot. Est-ce à dire ou insinuer que, quand les chiots sont sains, pas besoin d’éducateurs ? 50% n’est pas 100. Il reste une marche à gravir qui nécessite un peu de conseils, sans dire que le potentiel est une base, qui peut s’altérer, si le maître fait des erreurs. Et pour ceux qui veulent construire un lien plus affectif qu’utilitaire, la base de conseils est encore plus importante, vu que toutes les méthodes actuelles sont tournées ou inspirées de l’utilitaire. Le monde du chien est dissonant pour reprendre un terme à la psychologie. Il y a dissonance entre l’idée et l’acte. On admet que les chiens sont de plus en plus problématiques, que malgré qu’il y ait plus de conseilleurs, moins de chiens (environ un million de moins), il y a autant d’abandon. L’idée est admise. Mais dans les actes, on continue comme avant. On est fataliste ou opportuniste. J’ai peut-être un doute sur l’idée que l’homme serrait encore un peu l’ami du chien. Mais je n’ai plus aucun doute sur les motivations de la filière professionnelle et sur les responsabilités de celle-ci quand aux dérives qu’elle traverse. Si le particulier est en partie responsable, je crois surtout que les professionnels, de tout bord le sont davantage. Quand on admet que les choses vont mal et qu’aucun acte ne soit mis en place pour lutter contre, c’est de la dissonance, et disons-le carrément pour éclairer le particulier, c’est de la malhonnêteté. La filière est responsable, pourquoi ? Aujourd’hui, nous n’écoutons pas les maîtres. Nous leur demandons d’appliquer, d’écouter ce que nous leur enseignons et nous ne faisons qu’ignorer ce qu’ils désirent. Notre contenu n’a pas évolué. Sauf qu’imposer ne marche pas ! Les maîtres ne s’y retrouvent pas, ne s’y projettent pas. Et vous n’appliquerez jamais, ce qui ne vous passionne pas ! Il faut une base éducative qui colle à leurs attentes. La plupart de ceux qui aujourd’hui prennent un chien, recherchent autre chose que du disciplinaire, autre chose que de l’obéissance. Ils veulent un compagnon, qui ne soit pas formaté, comme nous le sommes tous, nous humain, mais un chien qui respire la simplicité. La méthode affective est basée sur trois phrases que j’ai entendu et que j’entends toujours et que je risque d’entendre encore bien longtemps, vu l’évolution, enfin l’immobilisme de la profession : Je ne veux pas d’un chien de cirque ! Le contenu J’ai eu un chien qui s’est éduqué tout seul ! La forme Au club, il travaille, mais en dehors, il n’écoute plus ! Le terrain La méthode affective est-elle une sorte d’argument commerciale, de propagande à la sensiblerie ou pire d’incitation à l’anthropomorphisme ? C’est ce que diront ceux qui n’aiment pas le changement, qui préfère finir comme ils ont commencé. C’est ce que diront les conservateurs, qui s’aiment davantage que les chiens qu’ils éduquent. C’est ce que diront ceux qui veulent que leur modèle perdure. C’est ce que diront ceux qui s’imaginent être des modèles. Mais peut-être ont-ils raison. Peut-être que ce projet n’est qu’une utopie, un caprice, une connerie monumentale. Peut-être ! Mais comment le savoir, si nous n’essayons pas. Tout ce que j’ai testé depuis plus de deux ans, fonctionne. Et force est de constater que les modèles, les techniques, que j’ai utilisés depuis bientôt 20 ans, de cours données, tout ce que j’ai appris en 30 ans, sont souvent à l’opposé des conseils que je donne aujourd’hui. La méthode affective, ce sera officiellement son nom, n’est pas la panacée universelle, aucune méthode, aucun travail ne l’est. Je dirais même, qu’en l’état actuel du « parc canin », pour reprendre un terme à l’automobile, ce serait plutôt une niche. Si on appliquait au chien ce que l’on a appliqué aux voitures, un contrôle technique, disons plutôt une sorte de « contrôle psychique », on serait surpris de la soi-disant qualité des géniteurs qui « pourrissent » pour la plupart dans leur 5m² de béton, sans jamais en sortir. Voilà les normes en France du bien-être animal, “5 m²”. La méthode affective, c’est avant tout un créneau éducatif à saisir, à un instant précis, avec des chiots sains d’esprit. Elle doit s’appuyer forcément sur la mise en place d’une prévention, qui invitera les maîtres à la prudence. La méthode affective est la suite logique d’un choix raisonné pour celui qui désire autre chose qu’un chien programmé ! C’est la suite logique d’une idée, qui ne verra jamais le jour, en tout cas, pas de manière large, que je nomme la pré-éducation canine et dont la base était d’avertir les maîtres sur les déviances de nos métiers, pour les aider à bien choisir leur chiot. C’est la suite logique d’une préparation que l’éducateur canin aurait pu mener. Il aurait pu être un préparateur. Celui qui prévient, qui avertit, qui inspire au bon choix. Force est de constater que l’image du préparateur était moins honorable, moins spectaculaire, moins lucrative surtout, que celle du réparateur ! Le curatif, une fois de plus, dans notre monde dissonant, disons le carrément aliéné, a remporté la bataille sur une logique de prévention. Pourquoi ? Pourquoi, un matin je me suis levé en me disant, il nous faut un autre modèle. Tout simplement parce que je suis père de 4 enfants et que l’avenir, dans tous les domaines, c’est justement de ne plus en avoir. Nous allons laisser quoi à nos gosses, des chiens de plus en plus malades, qui sortent d’usine d’élevage, d’élevage en batterie, à rééduquer, sous anxiolytiques ou psychotropes, des lignées entières que le fric a corrompues, a altérées au point qu’il ne nous restera que des chiens dont l’intégration sera de plus en plus chaotique. Alors que la plupart des gens veulent juste un chien de compagnie et ressentir la simplicité de l’affection avec lui, nous devrions suivre les lubies d’experts, qui voudraient imposer un modèle élitiste, en espérant qu’au fond d’eux personne ne puisse jamais y accéder, afin qu’ils demeurent à jamais ceux que l’on admire !
L’affection est la solution, c’est une action de prévention, quant à l’autre bout, le curatif n’est qu’un acte de surconsommation. On paye pour soigner, pour pallier les carences, quand on devrait payer pour bien élever, bien éduquer en toute simplicité. La profession est divisée sur des broutilles, au lieu de se rassembler sur des principes de cohérence. J’avais envie d’y croire et j’avais besoin d’agir autrement. J’avais besoin de ne pas me résigner comme d’autres se sont résigner en professant qu’il y aura toujours de la rééducation et en l’espérant d’ailleurs. C’est si gratifiant. Quand un maître désespéré vient vous voir et que vous réglez son « cas », il a sur vous ce regard de reconnaissance qui flatte l’égo, l’amour propre. On se sent important, grand. C’est dangereux la rééducation. On serait presque, pour l’esprit faible, tenté de croire que l’on est Dieu ! Alors que l’on fait juste notre job !!
En conclusion, je dirais que malgré que je travaille là-dessus depuis bientôt deux années, il me reste beaucoup de pistes à explorer. Mais les premières constatations sont probantes et très encourageantes. C’est un travail colossal, beaucoup de lecture, d’écriture, d’observations. C’est passionnant. Maya, ma petite labrador, m’a permis de comprendre beaucoup de choses, de ressentir ce que probablement je n’avais jamais ressenti. Syp a été un chien d’exception, mais combien je donnerais pour repartir à zéro avec lui aujourd’hui et appliquer ma nouvelle vision de l’éducation. Maintenant, pour être honnête, la méthode affective s’appliquera-t-elle à tous les types de chiens, à tout âge, à tous les caractères, toutes les pathologies, à tous les chiots de deux mois ? J’en doute. L’avenir nous le dira. Il est trop tôt pour supputer qu’elle sera utile en rééducation. Ce serait présomptueux. Présentement, je travaille sur nos portées, sur le chiot sain d’esprit, bien élevé, bien pré-socialisé et uniquement sur labrador. C’est léger. L’avantage, c’est que je suis aussi éleveur et éducateur canin. Je suis au démarrage et à la continuité. Mon but est de préparer les chiots à ce qu’ils soient intégrables au sein de notre société, au sein de la famille. Alors je reconnais que c’est un peu léger, trop exclusif. Mais sur nos chiots, ça marche. C’est donc encourageant. L’élevage est la clé, c’est le départ de toute chose. Du bon, comme du pire. Si nous voulons supprimer ou baisser l’abandon, il faut déjà « produire », « élever » sain. Et pour produire ou élever sain, il faut juste donner au particulier les moyens de bien choisir, de connaître les bonnes attitudes qui feront du chiot, un chien équilibré. C’est de la prévention. C’est de la préparation. Seule la prévention, baissera l’abandon, la désillusion, la médication. Un maître averti saura au moment du choix, s’il prend ou non, le chiot qu’un éleveur lui propose. Il saura faire la différence entre un bon chiot ou un chiot craintif. Il saura prendre ou refuser. C’est, le « consommateur, qui doit devenir « réfléchi », qui imposera à l’élevage de produire sain. Le consommateur doit devenir modérateur. C’est sous son impulsion, que l’éleveur devra s’appliquer à produire sain ou ceux qui continueront à privilégier l’économique à la qualité disparaitront. Il faut lutter contre les usines d’élevage, contre le modèle du productivisme honteux qui ne saurait être un modèle dans notre monde où les chiens sont devenus si importants, si indispensable à beaucoup. Et ce n’est pas parce que le particulier a une vision, qui pour l’utilisateur peut sembler limitée, qu’elle n’a pas le droit d’exister. La vision affective est légitime et génératrice de plaisir partagée, de simplicité. Elle s’oppose à cette vision de consommation, puisqu’elle se façonne dans le temps, l’attention et la proximité. Un chiot n’a besoin que de l’affection de son maître pour grandir, comme un enfant d’ailleurs, pas de plastique, de consommables que l’industrie nous pond chaque jour. L’affection est la solution dans ce monde où la consommation de merdier est devenue un critère à la reconnaissance, à la grandeur. Plus de merdier, il a, plus fort il est!!! Je préfère un chien moins beau, peut-être, moins stylé, certainement, moins gracieux, je sais, mais c’est mon chien, le mien, celui qui me donne tant, que pour rien au monde je n’abandonnerais. Car on ne se sépare pas de ce que l’on aime !

Bonne soirée
Etienne Girardet
PS: Je sais, c’est long…..

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